Qu’est-ce que le syndrome de Turner ?
Le syndrome de Turner est une anomalie chromosomique portant sur l’un des deux chromosomes sexuels. Au lieu de posséder la répartition normale des chromosomes : 46 XX chez une femme, 46 XY chez un homme, une jeune fille Turner présente :
- soit l’absence d’un chromosome X : 45 XO, sur tout ou partie des cellules étudiées (‘mosaïque’)
- soit une anomalie sur l’un des deux chromosomes X présents.
Le syndrome de Turner n’est ni lié à l’âge des parents, ni à l’âge de conception de l’enfant. Les parents ne sont ni porteurs, ni responsables de l’anomalie observée. Celle-ci survient au niveau de la conception du fœtus, de manière aléatoire et fortuite.
Cette affection atteint une femme sur 2500, soit 150 cas par an environ en France.
Qui était Henry Turner? Un peu d’histoire…
Henry Turner est un médecin américain qui a décrit, en 1938, un syndrome associant, chez une femme de petite taille, une absence de puberté sans caractères sexuels secondaires (seins et pilosité), et la présence fréquente d’un pli cutané latéral du cou. Otto Ulrich avait déjà, en 1930, fait une description analogue. A l’époque, la description était purement clinique, car le caryotype n’existait pas.
Les premiers caryotypes datent de 1959. L’année suivante, Monsieur Ford décrivait l’existence de la monosomie X, c’est à dire l’absence d’un chromosome X, qui caractérise les syndromes de Turner les plus fréquents.
En 1965, les anomalies de l’X étaient décrites pour la première fois.
Les premiers traitements de la petite taille du syndrome de Turner par l’hormone de croissance, datent des années 90 ! (86, autorisation de la mise sur le marché sous protocole)
Diagnostic et dépistage
Quel examen fait-on pour dépister le syndrome de Turner ?
L’examen principal, lorsque des signes cliniques font évoquer le diagnostic, est le caryotype. Il s’agit d’un examen totalement indolore qui étudie, à partir de quelques cellules prélevées dans le sang, le patrimoine génétique contenu dans les chromosomes. Il est ainsi possible de distinguer et de compter tous les chromosomes, identiques, dans toutes les cellules d’un même individu, et d’identifier s’il en manque un, s’il y en a un de trop ou si l’un d’entre eux est détérioré.
Un être humain avec un caryotype normal possède 46 chromosomes, dont deux chromosomes dits sexuels : X et Y pour l’homme, XX pour la femme.
Si nous avons d’autres enfants, pourront-ils aussi être atteints par le syndrome de Turner ?
Le syndrome de Turner n’est pas une maladie familiale. Dans la très grande majorité des cas, il n’existe pas d’anomalie au niveau d’un chromosome maternel ou paternel, donc pas de possibilité de transmission héréditaire. Un autre enfant n’a ainsi pas plus de risque de présenter un syndrome de Turner. Seuls quelques cas exceptionnels « d’anomalie de l’X » peuvent être transmis d’une mère à sa fille.
Il est donc souhaitable, en cas d’anomalie de l’X seulement, de faire un caryotype aux deux parents.
Il est également possible d’effectuer un caryotype chez le fœtus, qui entre dans les dispositions légales et est donc remboursé par la Sécurité Sociale.
Les jeunes femmes Turner parvenant à une grossesse naturelle peuvent par contre présenter un risque supplémentaire de transmettre le syndrome à une fille.
Aurait-on pu s’en apercevoir pendant la grossesse ? Si oui, qu’est-il possible de faire ?
Pendant la grossesse, seules des anomalies détectables par un examen échographique peuvent attirer l’attention. Il peut s’agir :
- d’un retard de croissance intra-utérin important,
- d’une anomalie du cou (plis cutanés, disparaissant normalement quelques semaines après la naissance) : pterigium coli
et plus rarement décelable à l’échographie :
- d’une malformation cardiaque,
- d’un œdème important des mains et des pieds, appelé anasarque (visible à la naissance s’il est présent),
- d’une malformation des voies urinaires.
Si le fœtus naît sans ces anomalies, ce qui est le plus fréquent, on ne pouvait pas dépister le syndrome de Turner.
Si l’une de ces anomalies attire l’attention, on réalise un caryotype fœtal.
Si le syndrome de Turner est confirmé, ou devant tout pterigium coli, ou encore malformation cardiaque irréversible; l’indication d’un éventuel avortement thérapeutique doit être discuté entre la famille et les experts. Il s’agit d’un choix personnel qui doit être pris en connaissance de cause..
Aurait-on pu le prévoir ou le dépister plus tôt ?
Le diagnostic du syndrome de Turner se fait à un âge variable, selon l’importance des signes cliniques présents.
En dehors des rares cas où le diagnostic est fait pendant la grossesse, il est parfois possible de le suspecter à la naissance, dans environ 20% des cas, lorsqu’il existe :
- une anomalie du cou une malformation cardiaque
- un œdème important des pieds et des mains
- une malformation des voies urinaires.
En l’absence de ces signes typiques, le diagnostic est souvent plus tardif. C’est souvent un infléchissement progressif de la la courbe de taille qui le fera évoquer, chez une fillette trop petite pour son âge. Le pic pubertaire ne se produit pas. Dans quelques cas, une baisse de l’acuité auditive secondaire due à des otites à répétition peut également attirer l’attention et faire rechercher le diagnostic.
Gérer le syndrome au quotidien
Comment annoncer à ma fille qu’elle a un syndrome de Turner ?
L’annonce à une fillette qu’elle est porteuse d’un syndrome de Turner doit, bien sûr, tenir compte de l’âge de découverte. Si l’enfant est très jeune, il peut être utile de fractionner l’information, en expliquant en premier lieu les symptômes qu’elle a déjà remarqués, par exemple sa petite taille.
Dès l’âge de 12 ou 13 ans, l’enfant est en âge de comprendre la totalité des problèmes posés, expliqués en termes simples, avec l’aide éventuelle du médecin traitant ou les conseils d’une association de familles concernées.
Il est alors souhaitable d’aborder les différents aspects du syndrome de Turner, car plus l’enfant est informée tôt, mieux elle réagit et mieux elle est à même de faire face à ses nouvelles réalités.
Les parents doivent savoir qu’une fillette informée supporte beaucoup mieux les diverses anomalies ou retards (de croissance et pubertaire notamment) liés à son état. Ils ne doivent pas modifier leur attitude à son égard, et en particulier éviter de la surprotéger.
Mon enfant peut-elle gérer son traitement par hormone de croissance seule ?
Il est fréquent que les jeunes Turner, au bout d’un moment, prennent en charge leur traitement par hormone de croissance seules. Après que les injections aient été effectuées par les parents pendant plusieurs années, elles sont faites par l’enfant elle-même, pour des raisons de commodité le plus souvent (l’enfant n’est plus dépendante des parents ou de l’infirmière)
De nouveau, il s’agit d’une initiative personnelle, et la jeune fille doit prendre cette décision seule. Il est difficile au début de se faire une injection soi-même, quand on a 12 ou 13 ans, le désir se fait parfois sentir mais sans que l’on ose passer à l’acte. Là encore, il faut attendre que la jeune fille se sente prête et ne pas la forcer à faire elle même son traitement, même si cela libère les parents d’une contrainte.
En ce qui concerne les autres aspects de la maladie, la jeune fille peut, dès qu’elle le souhaite, décider de se rendre en consultation seule, de gérer ses ordonnances et ses différents rendez vous, à partir du moment où elle ne ressent plus le besoin de la présence rassurante de ses parents.
Dans tous les cas, il y a tout intérêt pour les parents à laisser petit à petit leur fille s’occuper seule de sa santé.
Implications indirectes au niveau de la santé
En dehors de sa petite taille, ma fille a-t-elle d’autres « anomalies » ?
Il faut distinguer celles qui sont relativement fréquentes et caractéristiques du syndrome de Turner :
- une dysgénésie ovarienne,
- une stérilité,
- des plis cutanés au niveau du cou,
et les autres, beaucoup plus rares, même si la fréquence de certaines anomalies est accrue, telles que :
- certaines malformations cardiaques,
- certaines anomalies rénales, qui incitent à la vigilance en cas d’infections urinaires,
- des anomalies O.R.L., au niveau de l’oreille interne, dépistées par un audiogramme, qui pourraient être dues à des otites séreuses répétitives dans la petite enfance.
Vivra-t-elle aussi longtemps que les autres ?
A date, aucun élément ne plaide en faveur de l’existence d’une différence entre une jeune fille Turner et une autre. Il est très probable qu’il n’existe pas de différence notable de longévité.
Il est néanmoins indispensable, pendant sa vie d’adulte, de poursuivre de façon prolongée la prise d’œstrogène, pour éviter les inconvénients liés à l’absence d’hormones et donc à l’équivalent d’une ménopause trop précoce, en particulier une ostéoporose, des troubles métaboliques et cardiovasculaires (les œstrogènes ont un effet protecteur vis-à-vis de l’infarctus du myocarde), une hypertension. Et de manière générale à assurer un suivi complet et multidisciplinaire de la femme Turner.
Développement intellectuel et social
La jeune fille pourra-t-elle faire des études comme les autres ?
Contrairement à une croyance répandue, il n’existe pas de modification ou de baisse de l’intelligence chez les jeunes filles Turner (QI sans relation avec le syndrome). Leur réussite scolaire est donc comparable à celle des autres enfants et très liée au milieu social et familial dans lequel elles sont élevées.
Même s’il semble que les mathématiques puissent présenter certaines difficultés d’apprentissage, le développement intellectuel des jeunes filles Turner est, de façon globale, strictement comparable à celui de la fratrie et de la population générale.
Toutefois, il peut exister des déficiences scolaires liées indirectement au syndrome de Turner :
- la petite taille peut être vécue comme pénalisante sur le plan psychologique
- une diminution de l’audition, méconnue, peut rendre plus difficile l’apprentissage scolaire ou l’assimilation du langage. L’audition doit être contrôlée et suivie si apparitions de troubles
- une diminution de l’acuité visuelle, fréquente, peut aussi retentir sur l’apprentissage scolaire si elle n’est pas dépistée et corrigée à temps. Un suivi trop régulier en milieu médical et une certaine surprotection de la part des parents peuvent, chez certains enfants, entraîner un retentissement psychologique néfaste
C’est pourquoi il peut être utile, dans certains cas, d’apporter à ces enfants un soutien psychologique par un psychologue pour améliorer leurs performances, si le besoin s’en fait sentir.
Doit-on prévenir le personnel scolaire, les collègues… ?
On peut dire que, de nos jours, les réactions par rapport au syndrome de Turner ont beaucoup évoluées, au fur et à mesure que les connaissances en génétique et maladies rares se sont répandues. Aujourd’hui, une jeune fille Turner qui met son entourage professionnel, scolaire, ou ses amis au courant ne risque que très rarement vexations, discriminations ou autres.
Néanmoins, mieux vaut rester prudent, et la jeune fille Turner ne doit en aucun cas se sentir obligée d’en parler. Le syndrome reste une question personnelle qui n’a pas forcément à être connues de tous. Si jamais il y avait désir et besoin d’en parler, il faut dans ce cas inviter la jeune fille à le faire avec une personne en qui elle a confiance, et d’après une initiative personnelle.
Aura-t-elle une vie normale ?
Nous avons vu, ci-dessus, que les jeunes filles Turner avaient un développement intellectuel, et donc professionnel, normal, qu’elles pouvaient mener une vie conjugale normale, avoir des enfants dans certaines conditions. Que demander d’autre comme preuves d’une vie normale ?
C’est pourquoi il n’est pas possible actuellement de considérer le syndrome de Turner comme une maladie, mais tout au plus comme une particularité ! La société humaine n’est-elle pas faite de particularités ?
Puberté et féminisation
Que se passe-t-il à la puberté ?
Il n’existe aucune anomalie de l’identification féminine et les organes génitaux féminins sont normalement présents. Les ovaires sont également présents, mais leur développement est le plus souvent modifié sous forme de bandelettes, du fait de l’absence ou de la présence altérée du 2ème X.
Dans les 3/4 des cas, est constatée une « dysgénésie gonadique », qui rend impossible une puberté spontanée.
Il est alors possible d’obtenir une puberté d’apparence normale sous traitement par les œstrogènes, puis lors de l’apparition des règles, au bout d’un an en moyenne, il est donné de la progestérone. Cette puberté s’accompagne du développement des seins, de la pilosité, de l’utérus et de règles grâce au traitement.
Dans 1/4 des cas, la puberté peut commencer de façon spontanée, puis la fonction ovarienne disparaît, souvent dès l’âge de 18 ans, et au plus tard à 35 ans.
Des grossesses spontanées sont parfois possible dans le cas de mosaïques, ce qui explique que le diagnostic puisse être fait de façon tardive, à l’âge adulte. Ces grossesses nécessitent, lorsque le diagnostic est connu, une surveillance particulière.
La jeune fille pourra-t-elle avoir des enfants ?
Une jeune femme ayant le syndrome a une vie sexuelle et intime tout à fait normale. Les organes génitaux internes sont normaux et les règles sont entretenues par le traitement oestroprogestatif.
Une grossesse est possible, mais très généralement dans le cadre d’une procréation médicalement assistée, en recourant à un don d’ovocyte. L’enfant est alors porté normalement pendant 9 mois. Les résultats actuels sont très encourageants.
Il faut toutefois savoir qu’il s’agit d’une grossesse un peu délicate, dont le taux de réussite est de 20%, mais n’est pas différent du taux obtenu chez un couple traité pour une autre cause de stérilité.
Il est simplement conseillé à tout couple dont la femme a le syndrome de consulter une équipe compétente et pluridisciplinaire.
L’adoption est également une voie possible pour devenir parent.
Taille, traitement
Quelle taille aura ma fille à l’âge adulte sans ou avec traitement ?
En l’absence de traitement, les jeunes femmes Turner françaises ont en moyenne une taille de 1,43 m. Néanmoins, des variations importantes existent, liées :
- à l’importance du retard de croissance à la naissance (la taille peut varier entre 43 et 50 cm),
- à la taille des parents : la taille d’une jeune femme Turner peut être petite si les parents sont petits, et plus grande si les parents sont grands. Sans traitement, la moyenne est de 1 m 42 en France.
Avec traitement par l’hormone de croissance, il n’est pas encore possible de disposer de données statistiques précises, compte-tenu du faible recul des premiers traitements.
Toutefois, l’on sait que la moyenne des tailles finales est augmentée, et qu’elle devrait se situer aux environs de 1,48 m. Il est permis d’espérer, avec des fillettes traitées aujourd’hui suffisamment tôt et à des doses adaptées, de dépasser les 1,50m et même d’atteindre la taille cible, c’est à dire la taille que la jeune fille aurait eue sans syndrome.
Quelle est la nature de l’hormone de croissance ?
La GH est une protéine, elle est dénaturée par la chaleur, elle perd son efficacité à température ambiante. Elle devra être conservée au frais, notamment durant les déplacement et les voyages
Combien de temps durera le traitement par l’hormone de croissance ?
Le traitement par l’hormone de croissance durera aussi longtemps qu’il sera efficace (mais ne dépasse pas l’âge de 18 ans), l’efficacité étant jugée sur la maturation osseuse et sur une progression de la taille au moins égale à 2,5 cm l’année précédente.
Le traitement est arrêté lorsque la maturation osseuse, c’est-à-dire le degré de soudure des cartilages de conjugaison, montre que ces derniers sont en voie de soudure complète, et ne peuvent donc plus réagir à la stimulation par l’hormone de croissance.
Cette soudure correspond à un âge osseux de 13 1/2 à 14 ans, et à un âge chronologique plus élevé (16 ans, voire plus).
Quels sont les conséquences d’une interruption du traitement par hormone de croissance ?
Le traitement n’est efficace que s’il est régulier sur un longue période. Une interruption n’est pas recommandée.
Seules des absences ponctuelles de traitement, en cas d’oubli ou d’impossibilité, sont sans grandes conséquences; mais ils sont à éviter dans la mesure du possible. Dans tous les cas, veillez à effectuer le traitement ou à rattraper les injections non effectuées.
Le traitement comporte-t-il des risques ?
Un traitement bien suivi et une bonne surveillance par un médecin spécialiste permettront de détecter tout incident éventuel. Ceux-ci ne sont pas fréquents, mais peuvent affecter :
- le métabolisme du sucre : l’hormone de croissance tend à accroître la glycémie (le taux de sucre dans le sang) ; l’organisme est toutefois apte à réagir et à maintenir une glycémie normale. Seule une surveillance régulière est recommandée.
- la tension artérielle doit également faire l’objet d’une surveillance trimestrielle.
- le développement important de certains « grains de beauté » doit entraîner une surveillance régulière par un dermatologue.
- la vigilance est de rigueur chez les enfants ayant eu des convulsions, soit à l’occasion d’une forte fièvre, soit dans le cadre d’une épilepsie, bien que le risque soit extrêmement faible.
- la fonction hépatique (cholestérol)
- les articulations (genoux et hanches)
- en ORL, se méfier des otites séreuses qui évoluent à bas bruit et entraînent progressivement une perte de l’audition. Une visite chez un ORL peut être nécessaire une fois par an.
Enfin, il est important de souligner que les risques éventuels de transmission virale qui avaient été rapportés avec l’hormone extractive d’origine humaine utilisée jusqu’en 1985, sont totalement inexistants avec l’hormone de croissance exclusivement biosynthétique dont nous disposons aujourd’hui.
Est-ce que les autres peuvent s’apercevoir de « son anomalie » ?
Le traitement par hormone de croissance, en augmentant la taille moyenne des jeunes filles Turner, entraîne une amélioration morphologique. Toutefois, s’il existe une dysmorphie faciale (anomalies de la face), elle persiste.
Il faut néanmoins savoir que 50% des jeunes femmes Turner ne sont pas dysmorphiques. Seules 30% des jeunes femmes Turner ont finalement un physique qui fait suspecter l’existence d’une anomalie.